Comportement identitaire
Une personne très proche de moi a eu un accident de moto ce week-end. Sa bonne étoile l’a encore protégé : il n’a « que » la jambe cassée et quelques points de suture. A la question « vas-tu refaire de la moto ? » il répond sans hésiter : « hors de question que j’arrête »…
Au delà du bien et du mal
J’ai pensé que je devrais lui dire qu’il avait tord… Et puis non. La moto, c’est son espace de liberté, le moment où il s’envole, où il se sent vivre. Son petit moment à lui, comment lui enlever sans l’empêcher de vivre ? Et si ça le tue, il aura choisi sa vie.
Le même raisonnement avec un autre proche, sur la cigarette (que j’évoque ici) : si le cancer, la chimiothérapie, la perte des cheveux, les vomissements, les 25 kilos en moins, la douleur ne changent rien sur le fait de fumer, que sont mes paroles sinon des reproches intolérables à entendre pour celui que j’aime malgré tout ?
Je suis sure que vous pensez, vous aussi, à de nombreux exemples de comportements identitaires. Le besoin de séduire quitte à briser son couple, le fanatisme qui résiste à tous les raisonnements… J’en vois partout, et surtout je vois toutes les personnes autour qui acceptent ces comportements, par amour. Ou pas.
Compenser ?
Un échange avec un spécialiste du sujet m’a permis d’identifier ce qui était donc un trait psychologique bien connu : le comportement identitaire. très difficile de changer ce type de comportement : les raisonnements ont l’effet contraire de l’effet escompté. Plus les arguments s’accumulent contre la cigarette, la moto, plus le comportement est précieux à celui qui le pratique, plus la relation entre le « sermonneur » et le « sermonné » se dégrade.
Si argumenter ne sert à rien, que faire ? Comment peut-on changer un comportement identitaire ? Le rapport de force qui peut découler d’un désaccord sur ce type de comportement peut être tellement violent, jusqu’à la rupture…
Je n’ai pas d’autre idée en tête, après avoir essayé les arguments, le silence réprobateur, le déni… que celle d’accepter l’autre comme il est. Ça ne l’empêchera pas de prendre les risques, mais au moins il saura que je l’aime. Avez-vous réussi à faire changer le comportement à risque d’un proche ? Et si oui, comment ?
Crédit photo : Mirko84
6 Commentaires
Un Trackback
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[…] injonction du médecin ou des parents. J’en avais parlé un peu dans mon billet « comportement identitaire » : le choix de l’arrêt ou du tabac est celui du fumeur… Le respecter, […]
Sandra dit :
Le 26 septembre 2011 - 20:18
Je pense que la balance décisionnelle est intéressante. Elle permet à chacun d’identifier et de quantifier ses propres avantages dans la situation future. En effet, si un changement de comportement peut être motivé par par la perception d’inconvénients dans une situation passée, il ne peut être pérennisé que par la mise en évidence des avantages de la situation future : Fumer, tue ! VS Ne plus fumer, améliore ma condition physique et j’adore le sport…
Ghislaine dit :
Le 27 septembre 2011 - 12:37
J’ai parfois l’impression que les comportements identitaires échappent à cette logique rationnelle… Les motivations pour fumer, comme d’ailleurs peut-être pour faire de la moto, se rapportent à mon avis plus à l’image de soi qu’à un bénéfice de bien-être : j’ai commencé à fumer à 15 ans comme une sorte de rébellion, d’autres commencent parce qu’ils veulent paraitre plus âgés… Mais je ne connais personne qui ait commencé car il aimait l’odeur du tabac et souhaitait avaler une fumée appétissante 🙂 La compensation viendrait peut-être à une nouvelle image de soi, plus valorisante, sans le tabac ou la moto : j’ai renoncé au tabac parce que je ne voulais pas que mes enfants souffrent de mon futur cancer… Et cette image de meilleure mère l’a emportée sur celle de la rebelle…
Brice dit :
Le 27 septembre 2011 - 09:12
Une autre question intéressante est : « Et vous, avez-vous réussi à changer un de vos propres comportements à risques et comment ? » car sur ce sujet nous sommes toujours des deux côtés, sermonneurs pour les uns et sermonnés par les autres. J’observe pour ma part que c’est souvent lié à une « prise de conscience », qui est un phénomène difficile à expliquer et donc à reproduire pour soi-même ou pour autrui. Et qui d’ailleurs mériterait d’être mieux étudié par la communauté scientifique.
Il existe aussi une part du subjectivité dans la perception du danger. Par exemple, une de mes amies qui tient un blog est enceinte et mange du sushi trois fois par semaine. Comme elle est nutritionniste, elle sait ce qu’elle fait mais il reste quelques fâcheux qui lui font des remarques. Inversement, pour ceux qui ont perdu des amis dans des accidents de moto comme moi, le sentiment du danger dans l’exemple que tu cites est d’autant plus présent. Ce qui ne veut pas dire qu’il le soit « objectivement ». Ni l’inverse ! Tout cela pour dire que la discussion sur ces comportements identitaires doit permettre une remise en cause des deux côtés car il n’y a pas de réalité pour nous, juste des perspectives…
Enfin je propose une piste pour ceux qui côtoient des personnalités ayant un ou plusieurs comportements identitaires marqués : assurons-nous qu’ils aiment la vie ! Car dans ces comportements, il y a de nombreux petits choix (un petit coup de poignet sur l’accélérateur, une cigarette en plus…) qui peuvent faire une grande différence en fin de compte. Et mon intuition me dit que plus on aime la vie et nos proches, plus on devient judicieux dans ces petits choix sans avoir à sacrifier ces choses qui nous sont chères. Si chères…
Ghislaine dit :
Le 27 septembre 2011 - 12:41
Tiens c’est amusant, je crois que je la connais ta copine nutritionniste 😉
Pour faire suite à ma réponse à Sandra, c’est seulement après l’arrêt du tabac que j’ai découvert à quel point ça me pourrissait la vie… Ce n’était pas vraiment un motivateur.
As-tu modifié toi-même un comportement identitaire avec succès, ou vu d’autres personnes le faire?
Emmanuelle dit :
Le 22 octobre 2011 - 00:04
Bonjour Ghislaine, Bonjour Brice,
Changer un comportement identitaire …. Vaste programme quasi impossible … Pourquoi d ‘ailleurs vouloir faire changer l’autre. Qui peut ignorer les méfaits du tabac, les dangers de la moto… Les arguments pour l un ne sont pas des références pour l’autre. Perso, le cancer ne m ‘a pas fait arrêter, c’est le manque en réunion, le souffle court, le teint terne et le prix affolant qui ont été les éléments déclencheurs.
À cela s’est ajoutée la perte d’une personne chère qui désapprouvait fortement la reprise du tabac et n’acceptait aucune malhonnêté ou excuse fallacieuse. Pour être digne de lui au delà de sa perte, le patch et la volonté ont pour l instant engendré ce fameux déclencheur, l arrêt depuis presque 2 mois.
En résumé, changer l’autre non… L’aider à trouver ses arguments, son déclencheur oui… Et aussi respecter le temps nécessaire à sa mise en œuvre …
La bise des ambassadeurs 😉
Ghislaine dit :
Le 22 octobre 2011 - 12:21
Tellement vrai ! Le temps, les rencontres peuvent faire changer les comportements… S’ils doivent changer.