Le French Paradox, un mirage?
Le Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) a publié une analyse comparative des modèles alimentaires français et américain, largement repris par la presse ces derniers jours. La conclusion reprise par les médias est, en substance : « les Français ne mangent pas mieux que les Américains ». Mais nous restons tout de même moins touchés par l’obésité que nos cousins d’outre-atlantique, pourquoi ?
L’alimentation comme miroir de la culture
Les prises alimentaires en France restent très liées à l’organisation des repas, avec le petit déjeuner, le déjeuner, éventuellement le goûter et le dîner. Cette organisation des repas traduit le rôle social de l’alimentation : il « faut » manger ensemble, il « faut » donc se mettre d’accord sur des heures pour le faire, et ces heures sont ancrées dans le rythme de nos journées. Si la durée de la pause déjeuner à considérablement diminuée au court des 20 dernières années (passant de 1h30 dans les années 90′ à 22 minutes en moyenne aujourd’hui²), le déjeuner reste LE moment de la prise alimentaire en France, à l’opposé d’une prise alimentaire principalement basée sur la sensation de faim aux Etats-Unis. Résultat, le nombre de prises alimentaires par jour en France est en moyenne de 3,9, contre 5,5 aux Etats-Unis.
Ecouter sa faim ou se conformer au modèle social ?
Les américains voient dans la prise alimentaire un acte purement fonctionnel. Cette prise alimentaire est un acte individuel, indépendant des interactions sociales. Les auteurs du Credoc soulignent bien l’effet pervers de cette « autonomie alimentaire » : « l’individu est censé pouvoir se déterminer rationnellement à partir d’une information objective et complète, il est incité à se contrôler et à se conformer à une norme et sa responsabilité nécessite un contrôle permanent qui rend d’autant plus lourd le sentiment d’échec, en cas de prise excessive de poids par exemple« ³.
Néanmoins, de nombreux nutritionnistes prône aujourd’hui pour un retour vers la sensation : ne pas finir systématiquement son assiette, « écouter sa faim » pour limiter la prise alimentaire… N’est-ce pas finalement aller vers ce modèle américain tant décrié ? La sensation de faim est difficile à isoler de l’envie de manger, et même si je n’ai pas trouvé d’étude portant sur cette thématique précisément je l’observe autour de moi, voire je l’expérimente en ce moment même 🙂 !
Le repas commence dans la cuisine
Les recherches en nutrition montre ainsi de plus en plus que le lien entre alimentation santé est moins dans l’assiette qu’autour d’elle : la culture nous « sauve » donc d’une nature qui nous pousse naturellement à manger quand nous en ressentons le besoin. Le meilleur des deux mondes apparaît finalement assez simple : limiter au maximum les prises alimentaires hors repas et de revenir à ses sensations pendant les repas. Une bonne manière de se préparer psychologiquement à ce moment de plaisir reste de s’accorder un peu de temps pour le préparer ! Si vous connaissez des études sur le lien entre préparation des repas et santé, n’hésitez pas, commentez !
Sources et remarques :
¹Comparaison des modèles alimentaires français et états-uniens, Cahier de Recherche du Credoc, décembre 2011
²Baromètre Santé Nutrition de l’Inpes
³Ces constats ne sont pas nouveau : Jean-Pierre Poulain, Philippe Masson ou Claude Fischler en ont été les premiers découvreurs. Le rapport compare les études du CCAF (Comportement et Consommation Alimentaire en France), et celles de NHANES (National Health And Nutrition Examination Survey), avec toutes les limites que peut avoir une comparaison de deux études aux protocoles extrêmement différents : rappel des consommations des 24 dernières heures dans le cas du NHANES, carnet de consommation de 7 jours dans le cas du CCAF, auprès de respectivement 10 149 personnes dans le premier cas et 1 399 dans le deuxième cas.
Un Commentaire
Un Trackback
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[…] Avez-vous déjà entendu parlé du paradoxe français ? Non ? Alors courrez lire cet article ! […]
Brice dit :
Le 30 septembre 2012 - 17:44
Il est aussi intéressant de constater à quel point la conversation à table aide à moduler la prise alimentaire. La faim est un processus dont la latence est assez long : 20 minutes environ entre me moment où nous sommes rassasiés et celui où notre corps nous le confirme par l’arrêt de la faim !
Les fast-food nous amènent ainsi à manger plus que nécessaire… et à nous en rendre compte dix bonnes minutes après en être sortis. Inversement, la conversation temporise le repas et permet de mieux mesurer où nous en sommes et si, vraiment, c’est par faim ou par gourmandise que nous allons nous resservir de cette délicieuse tarte aux framboises !
Un cercle d’autant plus vertueux qu’il est possible de parler d’alimentation saine à table pour réguler l’appétit tout en construisant la culture alimentaire.