Le sexe au Moyen-âge
Je viens de finir un livre passionnant : L’Amour au Moyen Age, de Jean Verdon. A l’heure de Meetic et autres speed dating, les rencontres amoureuses et la sexualité au VIème siècle apparaissent comme étrangement proches de nous…
Le temps des troubadours
Le Moyen-âge a été le lieu de débats extrêmement forts sur la nature du plaisir sexuel et sa légitimité, jusque dans le mariage. Le plaisir sexuel était pour Saint Augustin le péché ultime, alors que pour d’autres c’était un « mal nécessaire » pour avoir des enfants.
L’Eglise empêchait de faire l’amour quasiment tout le temps : interdiction pendant les 4 semaines de l’avent, les deux jours avant le dimanche, pendant le Carême, avant la communion, pendant les règles, pendant la grossesse, pendant l’allaitement… Drôle de manière de contrôler les naissances.
Pendant le Haut Moyen-âge (VIème au XIIème siècle), ce sont les jeunes femmes qui tombent amoureuses en premier et qui manifestent leur amour. A partir du XIIème siècle les choses changent, peut-être grâce à l’arrivée en France de la philosophie et des sciences grecques. C’est la fin’amor, l’amour courtois, caractérisé par son inaboutissement et la domination de l’homme par la femme.
Cette période est une révolution sexuelle : l’érotisme est traité dans divers ouvrages, notamment le Roman de la Rose (premier best seller avec pas moins de 100 ouvrages parvenus jusqu’à nous), alors que le plaisir sexuel est toujours condamné par l’Eglise, surtout lorsqu’il est pratiqué en dehors du mariage !
Amour et passion
L’amour condamné par l’Eglise est toutefois celui qui se rapporte à la passion. L’amour entre conjoint, s’il est raisonnable et fait de bonne entente, est tout à fait légitime. La passion, en revanche, est néfaste et condamnable. Des ouvrages qui nous sont parvenus sur le sexe, beaucoup parlent de « ce qu’il ne faut pas faire », mais certains abordent le plaisir, et notamment le plaisir féminin.
Même si c’est à l’homme de prendre l’initiative en la matière, la femme peut avoir du plaisir et pour le troubadour André le Chapelain (XIIème siècle), il est même important qu’elle atteigne l’orgasme : « Que la femme sente le plaisir de Vénus l’abattre jusqu’au plus profond de son être, et que la jouissance soit égale pour son amant et pour elle ». Quelle modernité !
Le troubadour n’était tout de même pas un féministe, car il écrit aussi que la femme doit simuler si elle n’arrive pas à jouir : « Même toi, à qui la nature a refusé les sensations de l’amoureux plaisir, feins, par des inflexions mensongères, de goûter les douces joies ». Ça calme un peu.
Pour schématiser, voici donc ce que j’ai retenu des différentes sortes d’amour au Moyen-âge : l’amour entre époux, qui ressemble un peu à de l’amitié et permet la sexualité; l’amour courtois, qui se caractérise par la frustration de l’homme et sa quête perpétuelle pour entrer dans le jardin de sa belle et donc par une sexualité très limitée, et la passion qui elle est condamnée et consiste en une fornication à outrance.
Quand le XXIème siècle ressemble au Moyen-âge
La doctrine de l’Eglise au Moyen-âge, si elle condamne bien l’amour passion, permet dans une certaine mesure l’amour courtois et évidemment promeut l’amour conjugal. Et cette doctrine ressemble étrangement à ce que nos psychologues du couple et autres psychiatres de l’amour nous conseillent aujourd’hui. Ce dossier de Psychologie sur le sujet décrit 3 sortes d’amour : l’amour passion, l’amour amitié et l’amour profond.
L’amour passion est toujours là. Aujourd’hui, il se vit sur les sites de rencontres comme AdopteUnMec.com, et la femme n’est plus forcément une victime (voir le blog très drôle de Poupi ou Mali). Il est centré sur la personne qui aime, et l’autre est « une image, un idéal ». Le sexe est souvent décevant dans ce type de relation, car la performance est rarement au rendez-vous…
L’amour profond ressemble à une version moderne de l’amour courtois : La quête ne concerne plus seulement l’homme, mais les deux amants, et l’objet de la quête est la découverte de l’autre, toujours renouvelée. Le sexe est aussi une partie de la quête, qui porte autant sur soi-même que sur l’autre : alimenter le désir, porter un regard neuf sur l’autre, prendre soin de soi et de lui…
L’amour amitié correspondrait à l’amour conjugal du Moyen-âge (dans le meilleur des cas). Un amour raisonnable, rassurant, qui tourne autour des autres. Les enfants, les projets, la maison… Le sexe n’est pas central mais il existe. Il doit supposer aussi que les besoins sexuels des deux partenaires soient bien accordés pour éviter d’aller voir ailleurs.
Mais ça, ça n’a pas tellement changé depuis le Moyen-âge…
Brice dit :
Le 6 décembre 2010 - 01:12
Ha ! Je viens de réaliser que je vis un amour « 3-en-1 » ! Une relation torride, en perpétuelle découverte d’elle et de moi… et qui néanmoins m’apporte sérénité et réconfort dans la vie.
Ils appelaient ça comment au moyen-âge ? Ah oui… L’Extase ! 😉
PoupiMali dit :
Le 10 décembre 2010 - 14:56
Merci beaucoup pour le lien.
J’ai beaucoup aimé la qualité de cette article. Très passionnant (et j’ai appris des trucs…)
hop la je te/vous rajoute dans ma liste et je vais poursuivre ma lecture.
Brice dit :
Le 10 décembre 2010 - 16:18
Nous avons aussi pensé à toi hier, en rédigeant un autre article. Je pense que tu sauras pourquoi… 😉
http://www.lapenseemultiple.fr/qui/meetic-rime-aussi-avec-romantique/
Ghislaine dit :
Le 10 décembre 2010 - 18:43
Merci à toi pour la qualité de ton blog… Ça m’a rappelé ma période « célibataire » :), je m’amusais beaucoup sur Meetic, et ton blog me rappelle ces bons souvenirs. J’ai particulièrement aimé le « copié/collé »… A très bientôt !
Nikelaios dit :
Le 15 décembre 2010 - 22:47
Meetic est romantic selon Brice. Tu pourrais développer : Meetic est rome antique, meetic est middle age, …
Dans la Grèce antique le terme d’amour, recouvre 4 sentiments
1) La philia se rapproche de l’amitié
2) L’éros désigne l’attirance sexuelle, le désir.
3) L’agapê est l’amour du prochain
4) La storgê décrit l’amour familial, comme l’amour, l’affection d’un parent pour son enfant.
Avec toute ma philia à tous les 2
Brice dit :
Le 19 décembre 2010 - 20:27
Toujours étonnant de constater qu’un sentiment aussi immense et varié que l’amour soit rassemblé dans notre langue sous la bannière d’un seul mot. Avant je pensais que c’était une « bêtise » choquante de notre langue. Plus récemment, j’ai commencé à me dire que c’était peut-être au contraire son génie…
Il nous reste donc la poésie pour dire tous les amours que comprend le mot amour. En essayant de ne pas verser dans l’hybris… 😉