L’envers de la casserole

28 novembre 2010 7 commentaires Par Ghislaine

Les coulisses de la « cuisine française »

Avant de lire cet article, quand j’allais au restaurant et que je commandais un tartare de coquilles Saint Jacques, j’imaginais que le chef, avec ses petites mains et son grand couteau, allait chercher des coquilles achetées le matin ou la veille et les coupait lui même, ajoutait le jus de son citron, éventuellement quelques brins d’aneth et quelques baies roses, et que le serveur m’amenait ça illico presto parce que c’est fragile, les coquilles Saint Jacques. Et bien pas du tout.

La vidéo explique bien la procédure : faites décongeler votre sachet de « coquilles Saint Jacques Express », remuez un peu avec une fourchette… Et y’a plus qu’à servir ! Elles « offrent un visuel haché maison traditionnel » comme dit le gros monsieur. Mince, je m’y suis peut-être déjà laissée prendre ! Le doute s’installe en moi : la cuisine française, ne serait-ce pas de plus en plus ça ? Des plats tout préparés et juste re-mélangés, réchauffés, voire même juste posés sur l’assiette ?

La préparation des repas, toute une histoire

L’art culinaire, qu’il soit français, marocain ou chinois, est en pleine mutation. D’un temps de préparation moyen de 3h par jour en 1950, on arrive à 30 minutes pour le repas du soir en 1995¹. Tout ça témoigne d’une simplification extrême des procédés, d’une préparation qui a lieu de moins en moins dans la cuisine et de plus en plus en dans les usines.

La faute aux industriels ? Je ne crois pas. La cuisine de tous les jours a été longtemps dévalorisée, car elle renvoie à une image que nos mères (et un peu nos pères pour les plus chanceux) ont combattue quand elles étaient jeunes : la femme au foyer, faisant gentiment le repas en attendant que son mari rentre du travail. La série Mad Men illustre bien cette période. Et aujourd’hui, les industriels répondent à une attente de société…

La cuisine réhabilitée, au moins à la télévision

Pourtant la plupart des gens aime cuisiner. En témoignent les émissions de télé-réalité récentes MasterChef et Un dîner presque parfait. Moi aussi, j’adore faire la cuisine. Je ne trouve pas que faire une sauce de salade est compliqué au point de devoir l’acheter toute faite, et j’adore prendre le temps de faire une gibelotte de lapin le week-end…

J’ai commencé comme la plupart des gens, dans la cuisine de Maman à regarder, laisser traîner mes doigts, piquer un bout de pâte crue et finir le chocolat de la casserole. Monter des blancs en neige, faire cuire des lentilles, préparer un rôti, tout ça m’est très facile. Ce n’est pas Masterchef mais ça convient à notre bonheur à la maison. C’est tellement simple que j’ai du mal à appeler ça de la cuisine, tant ça me paraît loin de ce que font les Grands Chefs. Et pourtant c’est comme ça que tout commence.

Pas de nutrition dans la cuisine en France

Je ne connais pas de nutritionniste qui ne sache pas faire la cuisine. En revanche, je connais de nombreux restaurants où les repas ne sont pas du tout équilibrés, et des chefs qui ne connaissent pas les bases de la nutrition. Lorsqu’on commande un steak au restaurant, il faut préciser « haricots verts » ou « salade » pour avoir un peu de vert dans l’assiette. Les salades de fruits sont rares sur la carte des desserts. Le pain est blanc la plupart du temps.

Personnellement, je prend plus de la moitié de mes repas à  l’extérieur de chez moi (c’est peut-être pour ça aussi que j’aime tellement faire la cuisine). Les professionnels de la restauration qui me nourrissent ont une grande importance dans ma vie : de la qualité de leur travail dépend en grande partie la qualité de mon alimentation.

Je vous l’accorde, le choix de la pizza 4 fromages plutôt que la 4 saisons est de ma responsabilité. Il n’empêche que je me sentirais beaucoup mieux si les cuisiniers, qu’ils travaillent pour les restaurants privés ou les collectivités, étaient vraiment formés à la nutrition. Pas une trace de la matière dans les compétences du titulaire d’un CAP cuisine. Pas mieux pour le brevet professionnel. Incroyable non ?

Un label de qualité pour les restaurants et l’enseignement de la nutrition dans les écoles de cuisine

La conclusion de mon après midi de recherche sur la cuisine est tellement simple que j’hésite à l’écrire :

Je suis pour un label qui garantisse que ce que nous mangeons au restaurant a bien été préparé sur place.  Le débat qui a bousculé les dépôts de pain (autrefois trompeusement appelés boulangeries) ne devrait-il pas avoir lieu au sujet des restaurants ?

Je suis également pour l’enseignement de la nutrition dans les écoles de cuisine… A l’instar de la communauté Oh My Food !, je crois que la cuisine est au coeur de l’alimentation santé. La nutrition est une science de professionnels, qui doit être enseignée aux cuisiniers et aux médecins et pas forcément au grand public. En revanche, faire cuire les légumes pourrait être une épreuve du bac !

¹Piault, Fabrice (sous la direction de). Le mangeur. Menus, maux et mots. Autrement, Coll. Mutations/Mangeurs N°138, Paris, 1993, p. 72

 

7 Commentaires

  1. Michèle dit :
    Le 28 novembre 2010 - 17:24

    A voir aussi, assez hallucinant, le dernier « Envoyé Spécial » de cette semaine, ; l’arrivée des plats industriels dans les restaurants, on frôle les « Chefs »… Faisons un voeu pour la Nouvelle Année : qu’il reste beaucoup , beaucoup d’endroits où manger délicieusement ne sera pas un leurre, une arnaque, un guet-apens!!…
    Soyons vigilants, au besoin, formons des groupes de pression sur les élus et les Directions en charge des vérifications, pour que les malhonnêtes soient identifiés, et leurs pratiques dénoncées systématiquement!!.. Un label noir, en somme !!!

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  2. Ghislaine dit :
    Le 28 novembre 2010 - 17:48

    Cette émission est incroyable. Je viens de finir le reportage et j’en ai mal au coeur. Pas tant par l’activité des industriels mais plutôt par la malhonnêteté des restaurateurs interviewés.

    Pas tous heureusement, j’ai bien noté l’adresse du restaurant Myamar à Marseille (http://www.bouillabaisse.com/), et l’existence du fameux label « Maitre Restaurateur ». A demander avant d’entrer dans un « restaurant » !

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  3. Brice dit :
    Le 28 novembre 2010 - 23:06

    Ha ! Un rideau de plus derrière lequel nous nous glissons, grâce à toi, en direction des coulisses de l’alimentation. Je me pose beaucoup de questions en lisant ton article : éclaire-moi, Sensei ! 😀

    1. Tu nous avais expliqué lors d’un précédent article sur le B. A. BA. de la nutrition l’importance de la pyramide alimentaire mais tu sembles à présent penser que le grand public n’est pas forcément concerné par la nutrition… Découragement ? Où bien ta réflexion t’amène-t-elle à penser qu’il vaut mieux communiquer entre spécialistes, compétents et intéressés, mais à l’abri des « non initiés » ? Si oui, pourquoi ? Que craignons-nous ou que risquons-nous en vulgarisant (ce qui n’est jamais vulgaire…) la science de la nutrition au même titre que les mathématiques ou l’astronomie ?

    2. Aujourd’hui, on apprend les bases de la nutrition à l’école mais pas celles de la cuisine (tout du moins, pas dans le tronc commun). Souhaites-tu une inversion et que demain, la nutrition soit par exemple réservée aux bacs scientifiques spécialisés et la cuisine réintégrée au tronc commun ? Si oui, y aurait-il quand même quelques heures sur la nutrition dans le cadre des cours de cuisine ? Après tout, c’est ce que tu souhaites pour les cuisiniers professionnels… 😉

    3. Pourquoi est-ce mieux si le cuisinier prépare lui-même ? Les ingrédients sont de plus en plus achetés (rares sont les Chefs qui ont leur propre potagers…) ou même préparés hors des cuisines (découpe de la viande, préparation des sauces, etc.). Il semble même « dans la logique des choses » avec le fameux principe de précaution que, peu à peu, les normes sanitaires et la praticité aient raison des cuisines sales, des cafards, des souris, des mégots de cigarettes… Tu vois, quoi ! Ne devrions-nous pas exiger que la cuisine soit « préparée industriellement » ? 😀 Ce qui me rappelle le début d’Astérix et Obélix en Amérique, quand le poissonnier refuse de pêcher parce qu’il ne vent que du poisson acheté à Lutèce ! Quelles vertus pouvons-nous attendre de la cuisine préparée sur place ? Qu’est-ce vraiment que la « fraîcheur » en matière alimentaire ?

    Il me tarde de te lire ! Je commente mais c’est ma manière d’en demander plus… ;D

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    • Ghislaine dit :
      Le 28 novembre 2010 - 23:38

      Houla, j’ai du boulot !

      Alors je ne sais pas si je vais pouvoir t’éclairer, mais tout du moins te dire ce que tes remarques m’évoquent :
      1. De la même manière qu’en mathématique on n’apprend pas à tous les élèves le théorème des accroissements finis (je ne pensais pas qu’un jour je pourrai me resservir de ce terme :)), je ne suis pas sure que la biochimie de la nutrition soit le plus important à apprendre à l’école… Et dès la 5ème, après vérification !

      Attention, je suis plutôt pour l’enseignement de la nutrition, mais l’idée de mettre les notions scientifiques en parallèle d’un enseignement pratique de la cuisine me paraît bien plus judicieux… Et sera sûrement plus intéressant pour les élèves. En effet, la nutrition est enseignée aujourd’hui sous l’angle « biologique », avec la physiologie, la digestion, la reproduction… Aucun enseignement ne traite de la transformation des aliments à l’extérieure du corps : les différents types de cuisson et leurs avantages / inconvénients pour la santé.

      Par exemple, on pourrait apprendre que la majorité des vitamines sont présentes dans la peau des fruits et légumes, et qu’il est donc intéressant sur le plan nutritionnel de manger ses pommes avec la peau (sous réserve de les avoir lavées avant…).

      La pyramide alimentaire est une bonne initiation à la nutrition, car elle préserve justement ce lien entre nutriments et aliments. Lorsqu’on ne parle que de glucides, de lipides et de protéines, on en vient à oublier que ce sont des aliments que nous mangeons et pas des nutriments.

      2. Oui, c’est exactement ça que je souhaite 😀 ! désolée que ça ne soit pas clair dans l’article.

      3. Franchement, je ne sais pas si c’est mieux ou moins bien que le cuisinier prépare les choses lui-même. Les contraintes d’hygiène étant les mêmes pour tout le monde, le cuisinier qui utilise des produits frais doit vraiment faire très attention à l’état de ses frigos et de sa cuisine s’il veut pouvoir continuer à travailler. Cela demande donc des produits frais, et pour qu’il garde ses clients, de bons produits.

      Chez moi, quand je fais un plat avec des aliments pas frais ou pas très bons ça se sent tout de suite. Je n’ai pas d’additif pour masquer la mauvaise qualité de mes légumes ou de mes viandes. C’est pareil pour le restaurateur qui cuisine avec du frais.

      En revanche, celui qui ouvre des boites utilise des produits avec des exhausteurs de goût, des conservateurs… Des choses qui permettent d’avoir une matière première moins qualitative… Mais qui se payent au niveau nutritionnel, car les exhausteurs de goût sont le sodium ou le glucose : le sel et le sucre, dont les qualités nutritionnelles sont pauvres.

      Tout ça dépend bien sûr de la qualité des ingrédients de départ, et peut-être qu’il y a des fournisseurs de restaurant qui utilisent de bons produits au départ… Mais comment peut-on le savoir ? Si je vais dans un restaurant marqué « Maitre Restaurateur », j’aurais au moins la certitude que le chef sait ce qu’il y a dans mon assiette… Et que peut-être il ne me mentira pas quand je lui poserai la question.

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      • Brice dit :
        Le 28 novembre 2010 - 23:44

        Enseigner la nutrition ou la cuisine (ou les deux), c’est comme enseigner la reproduction ou la sexualité (ou les deux) ? N’est-ce pas étrange que nos éducations cachent le sens des choses derrière leur mécanisme ? Et qui prend le relais… Les parents ? « La vie » ?

        Un cours de biologie qui traite à la fois de la nutrition et de la reproduction… Bof ! Mais s’il y a une école (pour adultes…) qui enseigne la sexualité et la cuisine en même temps, je veux bien me remettre aux études en tous cas ! 😀

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  4. michele dit :
    Le 29 novembre 2010 - 13:25

    Je crois que comme d’hab, tout est une question de bon sens : oui, les vitamines sont surtout dans la peau, mais j’épluche les pommes traitées sur l’arbre, si je ne suis pas sûre qu’elles sont « bio » (hélas, ça devient fourre-tout, je crains les contre façons); et pour les restaurants, on peut essayer de regarder un peu comment ça se passe; les restos pas chers sont a priori, pas forcément ceux qui ont les moyens d’une bonne hygiène, mais rien de systématique non plus sur le sujet. Des légumes « Picard surgelés » me paraissent offir quelques garanties; mais je regarde soigneusement les étiquettes: si on arrive déjà à avoir des étiquettes qui correspondent au contenu et disent clairement comment le produit est conservé, c’est déjà beaucoup!
    Et, pour le reste, ça existe depuis des années la cuisine « sexy », les petits loups, il y a des livres dédiés!! Et, côté visuel, voir « Barry Lindon » et le morceau d’anthologie du diner d’huitres!!

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